Vous avez vendu un million d'exemplaires de votre précédent livre, Le meilleur médicament c'est vous!. Comment expliquez-vous cet incroyable succès?
Je ne m'y attendais pas du tout même si, a posteriori, les retours de mes lecteurs vont tous dans le même sens : ils me lisent, suivent mes conseils, réapprennent des choses simples et puis... ils en parlent à leur entourage !
Est-il bien nécessaire de rappeler qu'il faut pratiquer régulièrement du sport, se moucher chaque matin ou se laver les mains avant de passer à table? Tout le monde le sait depuis longtemps.
Détrompez-vous ! En France, plus personne n'enseigne ces conseils de bon sens, ni à l'école ni en famille, alors qu'ils sont validés scientifiquement - d'où les huit pages de notes bibliographiques rassemblées en fin d'ouvrage. Certains se sont moqués de mes recommandations précédentes concernant l'amélioration du transit (élever ses pieds, rabattre le couvercle des toilettes pour éviter les infections...), mais, en tant que médecin, je n'ai pas de tabou et tous ceux qui ont adopté mes conseils n'ont plus recours aux traitements pour ce genre de problèmes.
Il en va de même pour le gargarisme, que je préconise dans mon dernier ouvrage : si les Japonais le pratiquent depuis des lustres, c'est parce qu'il produit un effet antiseptique sur les amygdales et qu'il fait baisser le taux d'infections ORL de 40%. Ce n'est pas rien, et c'est tout aussi efficace avec de l'eau salée ou pétillante.
Ne cédez-vous pas à la facilité quand vous dressez une liste idéale des aliments (sardine, poivron, amande...) à consommer?
Contrairement à certains, je ne pratique pas le mélange des genres... Par exemple, je ne cautionne pas les alicaments et la stratégie marketing des industriels visant à faire acheter des produits sans intérêt nutritionnel. J'explique simplement que certaines denrées comme la sardine ont un "effet retard" car il faut neuf heures pour la digérer ; que l'abus de sel et de sucre est nuisible pour la santé ; qu'il vaut mieux boire un verre d'eau avant un apéro que de se jeter sur l'alcool et les gâteaux salés. Et je rappelle, surtout, que tout régime doit apporter vraiment du plaisir. Faute de quoi on ira le chercher ailleurs...
Paradoxalement, vous recommandez aussi ce que vous nommez des "sorties de route" en matière d'alimentation.
L'interdit du péché appelle le péché, puisqu'il est fait pour être transgressé ! Cessons donc de nous penser comme des êtres parfaits, car l'écart entre la réalité et les bonnes résolutions accroît la mauvaise image de soi ; pis, le sentiment d'échec fait monter l'angoisse - une angoisse qui, à son tour, nourrit la pulsion alimentaire. Voilà pourquoi je conseille un régime très strict dans les premières semaines, mais avec quelques aménagements qui offrent un espace de liberté indispensable. Il est tout aussi essentiel d'accepter ses failles plutôt que se fixer des objectifs inatteignables. Bref, il faut se faire confiance et se regarder avec une réelle bienveillance.
Bienveillance, confiance... Dans la situation actuelle, ce genre de recommandations ne fait-il pas un peu "monde des Bisounours"?
Mais pas du tout ! C'est justement parce que la vie est parfois âpre qu'il faut faire preuve d'optimisme. Songez au regard illuminé d'une Mère Teresa ou d'un abbé Pierre, qui ont vécu heureux jusqu'à un âge très avancé... Des études ont d'ailleurs été menées pendant neuf ans sur 900 sujets âgés de 65 à 85 ans, avec des tests psychologiques du type "bouteille à moitié pleine ou à moitié vide". Elles ont montré que le risque de mourir était deux fois plus élevé chez les pessimistes.
Certains "malveillants", comme vous les appelez, ont pourtant une espérance de vie tout aussi longue. Comment l'expliquez-vous?
De nombreux travaux dans le passé ont mis en évidence l'effet positif d'un engagement humaniste envers les autres - on appelle cela l'altruisme et ce concept mérite d'être réhabilité, aujour d'hui plus que jamais. Je vois bien ce qu'il peut y avoir de révoltant à constater que des tyrans meurent souvent très vieux. La raison tient au côté "tranché" de leurs comportements. Moins vulnérables, plus résistants aux stress extérieurs, ils ne subissent pas de décalage entre leurs aspirations profondes et la vie qu'ils mènent : ce qu'ils font correspond à ce qu'ils sont, alors que les plus fragiles ont une maladie, un "mal à dire" ce qu'ils ressentent en profondeur. Pour exprimer les choses autrement, le méchant se nourrit de sa méchanceté, à l'instar d'une tatie Danielle ; il s'en repaît - jusqu'à la jouissance, et finit par produire des neurotransmetteurs comme la sérotonine, de la même manière que les gentils !
Mais alors à quoi peuvent bien servir les approches psychologico-philosophiques telles que la "méditation en pleine conscience", très prisée aujourd'hui?
Elles permettent à la fois d'approcher ses propres vulnérabilités et de sécréter des hormones de bien-être, extraordinairement protectrices pour notre organisme. Nous fonctionnons trop souvent en "pilote automatique", préoccupés uniquement de la veille et du lendemain sans faire l'effort d'être présents au moment présent. Personnellement, je consacre tous les jours un quart d'heure à essayer de ne penser à rien - et je vous jure que ce n'est pas facile ! Je pratique cet exercice de préférence le matin, en me concentrant devant une bougie allumée, et j'en ressens les effets bénéfiques jusqu'au soir.
La plus grande qualité au monde est, selon vous, la sérendipité - un terme d'origine anglo-saxonne. Qu'entendez-vous par là?
Au sens premier, la sérendipité est la capacité à faire des découvertes scientifiques de façon inattendue - Christophe Colomb partant pour les Indes et arrivant en Amérique, Fleming "inventant" la pénicilline, etc. Prise dans le sens général, la sérendipité permet de tirer le meilleur parti possible de ce qui vous arrive - de préférence en y mettant un peu d'humour... Il ne s'agit pas de prendre un abonnement à un théâtre comique, mais d'avoir, en permanence, un oeil avisé et distancié sur notre existence. Un exemple ? Au lieu de vous morfondre durant une réunion de famille, essayez de trouver matière à sourire, amusez-vous du tonton bavard ou de la cousine maladroite.
Vous voulez en quelque sorte réhabiliter l'imagination?
Exactement. Et ça marche ! Des chercheurs ont mené l'expérience suivante : ils ont demandé à des cobayes de s'imaginer qu'ils mangeaient soit troismorceaux de fromage, soit trente, puis ils leur en ont proposé "en vrai". Résultat : le second groupe a été beaucoup moins gourmand que le premier. On savait que le simple fait de croire quelque chose avec force et conviction avait un effet placebo. Mais, on l'a découvert récemment, l'imaginaire a aussi un effet biologique en déclenchant une production d'endorphines spécifiques, proches de la morphine, appelées "euképhalines". Il y a donc bien une force du mental qui soigne. Voilà pourquoi, loin d'opposer médecine classique et thérapies alternatives, je les vois comme deux forces complémentaires qui permettent de guérir.
Source : L'Express - 12/04/2015